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Le lierre
Émile VERHAEREN
1855 - 1916Le lierre
Lorsque la pourpre et l'or d'arbre en arbre festonnent
Les feuillages lassés de soleil irritant,
Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.
Il s'y tasse comme une épargne ; il se recueille
Au coeur de la forêt comme en un terrain clos,
Laissant le froid givrer ses ondoyants îlots
Disséminés au loin sur une mer de feuilles.Pour le passant distrait il boude et il décline
Le régulier effort des oeuvres et des jours ;
Pourtant seul sous la terre il allonge toujours
Le tortueux réseau de ses courbes racines.Sa force est ténébreuse et ne se montre pas :
Elle est faite de volonté tenace et sourde
Qui troue en s'y cachant tantôt l'argile lourde,
Tantôt le sable dur, tantôt le limon gras.D'après le sol changeant il ruse ou bien s'exalte,
Il se prouve rapide ou lent, brusque ou sournois ;
Son chemin tour à tour est sinueux ou droit ;
Il connaît le détour, mais ignore la halte.
Et, dès le printemps clair, si quelque tronc ardent
Etage auprès de lui ses branches graduées,
Vite il l'assaille et mord son écorce embriquée
Avec l'acharnement d'un million de dents.Humble et caché jadis sous la terre âpre et nue,
Son travail aujourd'hui se fait dominateur,
Il s'adjuge l'élan et bientôt la hauteur
De l'arbre qu'il étreint pour monter jusqu'aux nues.
Il frémit de lumière et s'exalte de vent,
Sa force est devenue ardente et fraternelle,
Son feuillage léger comme un vêtement d'ailes
Le soulève, le porte et le pousse en avant.
Chaque rameau conquis lui est support et proie ;
Pourtant, ayant appris sous terre à se dompter
Au point de ne lâcher jamais sa volonté,
Il est si sûr de lui qu'il domine sa joie.Toujours il tord à point sa multiple vigueur,
Fibres après fibres, au creux des moindres fentes,
Et n'écoute qu'au soir tombant les brises lentes
Chanter en lui et l'émouvoir de leurs rumeurs.
Et quand toute son oeuvre un jour sera parfaite
Et qu'il ne sera plus qu'un végétal brasier
Serrant en son feuillage un arbre tout entier,
Immensément, depuis les pieds jusqu'à la tête,
Il voudra plus encore et ses plus fins réseaux
N'ayant plus de soutiens s'élanceront quand même,
Dieu sait dans quel élan de conquête suprême,
Vers le vide et l'espace et la clarté d'en haut.Déjà l'automne aura mêlé l'or et la lie
Au funéraire arroi qui précède l'hiver
Que lui, lierre touffu, compact et encor vert,
Jusqu'au vol des oiseaux dardera sa folie.
Alors, plus libre et clair que ne l'est la forêt,
Il oubliera gaiement qu'il lui est tributaire,
Mais qu'il boive un instant la plus haute lumière,
Qu'importe qu'il s'affaisse et qu'il retombe après !**********
S'il est une plante qui fait l'objet de tonnes d'idées reçues, c'est bien le lierre grimpant ou Hedera helix. Tout semble avoir commencé avec Pline l'Ancien durant le premier siècle après Jean-Claude qui ne voyait dans cette charmante grimpante qu'une destructrice de murs et d'arbres, allant jusqu'à le qualifier de « bourreau des arbres ».
Il devait sans aucun doute être mal luné le jour où il a pondu ces idioties... car, je vous l'assure, le lierre, cette belle plante grimpante indigène ne mérite pas cette ire, ce rejet catégorique.
Ensemble, tordons donc le cou à 5 idées reçues sur le lierre https://www.promessedefleurs.com/conseil-plantes-jardin/blog/5-idees-recues-sur-le-lierre?fbclid=IwAR3-uzPX0Kcz30Uia1C5EZ
J'espère que le lierre ne sera plus pour vous un nuisible Je vous souhaite de bonnes fêtes de Pâques Prenez soin de vousTags : lierre, sous, arbre, jusqu, tantot
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Commentaires
Bonjour océanique
Beau poème sur cette plante envahissante mal aimée , si l'on y prête pas attention certains arbres en font les frais .
Bon week end de Pâques bises
Salut,
Il fait très beau avec 21°.
On est allé faire les courses , il y avait un monde fou chez Leclerc.Bonne fin de journée
Ah le lierre... ce mal aimé... et pour cause, surtout pour les arbres, car avec ces sécheresses à répétition, il faut savoir qu'il devient un véritable poison, tout comme le gui... et je le vois de plus en plus dans mes balades dans les forêts... une multitude d'arbres qui sont en train de crever à cause de ça ! C'est une véritable catastrophe pour notre Nature forectière ! Le gui devient un poison et le lierre boit le peu d'eau qui reste au pied des arbres !
Quelle imagination a eu E.Verhaeren pour cette poésie !
Bonne et belle journée dans votre beau pays de l'Ouest !
Gilbert
En effet le lierre est un mal aimé et ce poème va le réconcilier avec les plus récalcitrants. Pour ma part, je l'ai toujours regardé d'un oeil indulgent car il est pour moi le symbole d'une étreinte amoureuse ou amicale.
7KinouMercredi 31 Mars 2021 à 16:52Coucou Mounette.
Punaise, écrire 50 vers sur le lierre, il n'y a que Verhaeren pour le faire !
Bises savoyardes
Merci pour ce poème ludique et instructif.
Bravo pour tes photos. Moi aussi je te souhaite le meilleur pour Pâques. Bises
4danaeMercredi 31 Mars 2021 à 10:363jm:roberMercredi 31 Mars 2021 à 10:04Bonjour Jacqueline,
Voilà un jolie poème sur cet Araliaceae. qui malgré cela reste une liane nuisible pour les arbres . Seul bienfait il a un pourvoir concernant les bronches ,la toux et aussi pour l'arthrose
merci du partage
Bonne journée
Amitiés
Malgré le côté "ronron" du style on voit que Verhaeren a bien compris les qualités du lierre et il les exprime avec une finesse et une force étonnantes ! Merci pour cette découverte.
Il n'empêche que quand il court partout dans un jardin et attaque les haies de tuyas on a envie de s'en débarrasser.
Coucou Mounette,
C'est un superbe poème d’Émile Verharen, agrémenté de superbes photos... Merci.
Bises et bon mercredi, caresses à ma copine coquine
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Je maitrise quand même cet envahisseur indestructible!!!!!
bon WE