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Le vagabond

 

 Les illustrations sont de mon amie Martine Chavent peintre et aquarelliste

Le texte comme Vie de chien est de mon imagination  

 

LE VAGABOND  

 

Le soleil de septembre était un peu paresseux ce matin là. La place du village de Francheville situé au cœur de la région lyonnaise était déserte ou presque. L'unique épicerie étalait ses fruits mûrs et juteux. Martin un pauvre hère, vagabond des temps modernes, sans logis, traînait son mal de vivre. Sans travail fixe, sa quarantaine bien installée il gardait néanmoins une vigueur prête à l'emploi. La tristesse de son inaction collait un voile de grisaille sur son visage. Son allure, dans des vêtements déguenillés, ses chaussures éculées, inspirait une pitié agacée. 

- Quand on veut travailler, qu'on a du courage, on trouve. Sinon on est fainéant. Disaient les braves gens, en courant vers leur activité. 

 

Que savaient-ils de la marginalité insidieuse qui s'installe jour après jour ? Savaient-ils la douleur honteuse lorsque les amis se font chaque jour de plus en plus rares, lorsque la famille construite jour après jour, se disloque ? Même son chien l'avait quitté un jour qu'une côtelette l'avait attiré vers une vie meilleure. Avec ce maître ce n'était pas une vie de chien. 

 

Martin déambulait, désabusé, le ventre vide, le cœur lourd. Soudain … venue d'on ne sait où, une petite voix se fit entendre.

 

- Help ! Help ! … 

 

Intrigué, il se retourna.

  

- Hé ! Regardes moi … mais non … devant toi … oui, sur l'étalage ! 

 

C'est alors qu'il vit comme dans un rêve, une pomme verte, jolie avec ses joues bien brillantes rondes comme un ventre de sénateur bien nourri. Il se frotta les yeux. Je divague, la faim me donne des vertiges, il serait temps que je tende la main, que des personnes généreuses y mettent une piécette. 

 

  

  

La pomme récidivait, se faisait pressente.

 

- Je te connais, tous les matins tu passes devant moi et mes sœurs. J'ai bien compris que tu ne manges pas tout les jours. J'ai bien vu que tu nous regardes avec un air en coin. Ecoutes moi, je t'aime bien et je veux t'aider. Ouvres ta poche … oui, celle là … que je puisse sauter dedans. Hop ! 

 

- Au voleur ! Au voleur ! Crie une furie sortant de l'épicerie.

 

- Oui, vous, je vous ai vu prendre une pomme et la mettre dans votre poche.

 

Martin, surpris, n'a même pas eu le temps de s'enfuir. Il reste pétrifié, coupable, mais pas responsable. Mais peut-il dire que c'est la pomme qui s'est jetée dans ses bras ? Peut-il dire qu'une pomme lui a dit - Je t'aime !

 

En attendant la mégère ameute le quartier et l'agent municipal qui vient de terminer de régler la circulation à l'entrée de l'école maternelle, arrive aussi vite que lui permet sa nonchalance.

  

- Que ce passe-t-il ici, quel est le motif de votre effervescence ? S'informe-t-il 

 

- C'est cet individu » S'exclame l'épicière.

 

L'agent de la force publique se tourne vers Martin qui aurait bien voulu ne pas être là.

 

- C'est encore toi ! lui dit-il du ton machinal et excédé qu'il emploie chaque fois qu'il est mis en présence d'un cas social. Les cas sociaux le dépriment. Il préfère jouer au protecteur au lieu du gendarme dans la cour des miracles.

 

- Il a volé une pomme 

 

- Mais … 

 

- Qu'il vide ses poches, vous verrez bien ! Clame la commerçante. Pendant ce temps elle ne voit pas deux garnements qui profitent de l'algarade pour piquer des carambars dans un bocal.

 

Martin, lui, ne peut que s'exécuter et sort de sa poche sa pomme, si belle, si appétissante, si parfumée, à croire qu'elle le provoque.

 

- Vous voyez, Monsieur l'agent, ce misérable se croit tout permis.

 

Martin, le cœur chaviré, doit abandonner sa chimère. Pourtant un cours instant il y a cru, il l'avait déjà dévorée de toute son âme, l'avait caressée de sa main rugueuse. La mégère fière de son bon droit remet l'objet du délit à sa place, sans penser un seul instant qu'elle aurait pu la lui donner. 

 

Les deux galopins s'empressent de prendre la fuite. Les courses pour maman attendront bien un peu. Le quartier n'est plus sûr. Ce jour là les pommes, tristes, brillèrent moins.

 

 -*-*-*-*-*-*-*-*-

- Help ! Help ! ... 

 

- Non, ça suffit, je ne veux pas  Dit le pauvre hère. 

 

- Regarde-moi comme je suis belle, aujourd'hui j'ai mis du rouge à mes joues. 

 

- Arrête je vais encore avoir des ennuis, tu crois que c'est gentil de me tenter ainsi.

 

-Tu ne crains rien, mes copines font le guet, allez prends moi » Dit la mâtine se faisant câline. 

 

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

Martin n'en croit pas, ni ses yeux, ni ses oreilles : une pomme enjôleuse ! Le parfum qui s'exhale de sa peau le trouble, son estomac crie - Prends-la - Son ventre se tord de trouille. Un rayon de soleil l'éblouit, tout se brouille. Il ne contrôle plus sa main qui attrape la pomme, la glisse dans sa poche. Il ne s'attarde pas devant l'étalage. C'est presque en courant qu'il gagne la rue voisine et là … à l'abri des regards indiscrets, croit-il, il croque le fruit tentateur, l'engloutit vivement. Son estomac, surpris, regimbe un peu. Tant pis il mange sans retenue. 

 

- Alors, mon ami, on récidive !  

 

A suivre ...

 

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É
J'ai lu la fin de l'histoire avant le début mais ce n'est pas grave. Bisous Jacqueline
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G
Je vais donc attendre la suite de cette histoire !<br /> Les illustrations sont superbes, sans doute elles ont développé <br /> ton ispiration pour écrire ce beau texte ...<br /> Cordiales amitiés & à +  
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P
La pomme du péché, comme dans le jardin d'Eve mais ce n'est plus la femme la tentatrice mais bien le fruit défendu.<br /> Passe une bonne soirée et merci de nous raconter des histoires. 
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J
bnosoir Jacqueline . je viens de croquer ma pomme sans problème ! bonne soirée et de gros bisous 
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P
une belle histoire que je relis avec plaisir car j'ai vu aussi les aquarelles de cette histoire<br /> bisous<br /> occupée pendant quelques jours je passerais dés que la petite famille repartira<br />  
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